Vous voyez cette fille qui rêve en grand? Cette fille qui a grandi dans une petite ville pleine de charme mais qui rêve de grande métropole remplie de pollution et d'agitation? Cette fille qui a pourtant tout dans sa petite ville et qui ne revient que pour Noêl? Ce cliché, c'est moi, Dylan Brooks, trente ans, organisatrice évènementiel. Du plus petit mariage au plus grand Gala de New York. Enfin, ça, c'était avant. Mais je vais vous raconter les choses autrement, à la façon film de Noël, car après tout, nous vivons dans une ville dédiée à cette période, non? Alors posez-vous, sortez votre chocolat chaud, un petit cookies, car c'est quand même meilleur qu'un biscuit de Noël  et bonne lecture à vous.

Réveillon de Noël, 1995.
L'allée m'était inconnue. Une petite allée avec quelques décorations de Noël lumineuses. Mon père avait ce regard triste que je ne comprenais pas à l'époque. Ma mère était partie. Elle avait décidé de le quitter, enfin, de nous quitter. Mon père était un jour rentré du travail et avait découvert les papiers d'une demande de divorce. Les affaires de ma mère avaient disparu. Comme ça, du jour au lendemain, quelques semaines avant Noël.

Et voilà pourquoi, cette année-là, nous avons été dans cette allée, menant à une maison très spéciale, avec une personne plus que spéciale: Nora.

Nora était ce genre de femme joyeuse, toujours le sourire aux lèvres. Elle semblait si douce et fragile mais c'était en réalité une vraie lionne. Ce que je ne savais pas c'est que cette maison et cette femme deviendrait un pilier dans ma vie. Comme une deuxième mère pour la petite fille de cinq ans que j'étais.

Ce réveillon-là, nous étions six. Mon père, Nora, le meilleur ami de mon père et sa femme ainsi que Sammy. Ce petit garçon de mon âge. Directement, l'entente était mutuel, mais notre relation allait connaître des hauts et des bas au fur et à mesure des années.

Réveillon de Noël, 2002.
Les années passent, l'allée a de plus en plus de décoration, la maison aussi. Jamais surchargé, décoré avec goût et une certaine magie de Noël. Un peu plus de monde aussi, chaque année quelqu'un de nouveau arrive. Chez Nora, la maison qu'on ne quitte jamais réellement. Tous les ans, on y revient. Sammy était comme moi. Et comme chaque année, ce soir-là se passait entre rire et chamaillerie. Il me semble que cette année-là, je l'avais même poussé du haut des escaliers du perron. Oh ce n'était pas haut, mais assez pour qu'il le sente. La raison? Je crois qu'il avait tenté de m'embrasser ou de me prendre la main, je ne sais plus. Nous avions douze ans.

Réveillon de Noël, 2009.
Il était là, dans la cuisine, l'odeur des biscuits et du pain d'épice flottant autour de lui... Il lisait son livre, snobant tout autour de lui. Et surtout moi. Mais qu'est-ce qui lui prenait à ce crétin? Je ne m'étais pas tapé un vol de New-York ici pour voir Sammy bouder. Hors de question. Alors, comme toute personne normalement constituée et saine d'esprit, je lui ai volé le livre pour le balancer à travers la fenêtre, sur le sol enneigé. «Hey! Pourquoi tu fais ça?» Je m'asseyais sur le plan de travail, face à lui. Haussant simplement les épaules en réponse à son indignation «T'es en train de me snober et je n'aime pas ça.» . Je l'observais, voyant son regard passer de la colère à l'incompréhension. C'était réellement drôle à voir. «Tu me détestes et je te déteste. A 12 ans, tu m'as poussé du péron. A 16 ans, tu as été dire à ma petite copine du moment, que j'avais fait pipi au lit jusqu'à mes treize ans. Oh! Et n'oublions que l'année dernière, tu m'as fait manger une dizaine de space cake et j'étais défoncé comme jamais au réveillon, devant mes parents» J'avais fait tout ça moi? Oui, il n'avait pas tort, je n'étais peut-être pas la fille la plus douce, mais quand même... À l'entendre, on aurait dit que j'étais un mini tyran. «Hey oh, hein! Premièrement, ce n'est pas de ma faute si t'as pissé jusqu'à tes treize ans dans ton lit. Ensuite, je ne t'ai jamais obligé à manger ces cakes, tu t'es rué dessus comme un grand. Et dernièrement, qui a donné à Rose l'envie de sortir avec toi? Et qu'elle te montre sa petite culotte? Tu crois que ça lui est venue à l'idée toute seule? Alors je t'interdis de dire qui je déteste ou non, crétin.» Sur ces mots, je me suis levé pour partir de la pièce, prenant au passage un petit pain d'épices.

Plus tard ce soir-là, il est revenu vers moi et nous avons discuté. C'est là que pour la première fois, j'ai découvert être légèrement triste à l'idée de repartir à New York, sans le revoir avant Noël prochain...

Réveillon de Noël, 2012.
J'avais vingt-deux ans, prête à quitter New York pour lui et avant ça, lui avouer mes sentiments. Histoire de ne pas tout quitter s' il me mettait un rateau. Mieux vaut prévenir que guérir, non? Alors, j'avais ma plus belle robe rouge, ma meilleure coiffure. La nervosité, l'excitation... Il fallait que j'avoue tout. C'est donc, comme tous les ans depuis mes cinq ans, que je remontais cette allée, avec toujours plus de décoration. D'ailleurs, jamais Nora ne démontait les guirlandes lumineuses. Toute l'année, elles étaient là, allumées chaque soir. Bien sûr les autres décorations n'y étaient pas, mais elles, oui. Illuminant chaque nuit la grande maison chaleureuse. je ne savais pas pourquoi, mais ce soir-là, j'allais l'apprendre. Comme j'ai appris, en rentrant dans la maison, que l'homme que j'aimais été venu accompagner. Une belle et grande blonde, sourire à la Marylin Monroe. Et quand il la présenta comme sa petite amie, je sentis une bonne grosse claque invisible venir s'insérer sur le coin de ma joue droite. Après tout, c'était de ma faute... J'avais attendu trop longtemps pour le dire... Et puis je vivais à New York, lui était ici, à l'année. On ne se téléphonait pas souvent... Il était donc normal qu'il ait trouvé une petite amie sans que je sois au courant.
Je suis donc resté là, une heure, à l'écouter évoquer les 36 000 qualités de Miss Parfaite avant de me lever, prétextant une urgence.

Ce que je ne vous ai pas dit, c'est que dans cette maison, rien n'échappe à la maîtresse de maison, Nora. Elle avait tout vu au loin et alors que je m'apprêtais à partir, elle m'attrapa au vol et m'emmena dans le bureau. Cette maison était tellement grande...Et même dans le bureau, les décorations y figuraient. Elle ouvrit le bar pour sortir une bouteille et deux verres. Elle les remplit et m'en donna un. « Dylan... Qu'est-ce que tu fais? Non, ne réponds pas, laisse-moi parler. Tu sais... J'étais comme toi et à vrai dire, je le suis toujours. » Je ne comprenais pas réellement mais je souris simplement, tentant une blague « Aussi charmante et agréable? » Nora ria, de bon cœur, puis secoua la tête « Je le suis aussi. Mais je parlais de ta situation. Être amoureuse d'un homme qui en a choisi une autre. Il y a plusieurs années, je suis tombée amoureuse d'un homme... incroyable. Et je l'aime toujours, mais je ne le lui dis pas. Pourquoi? Car un soir de Noël, il en a demandé une autre en mariage. Et ce moment est resté figé pour moi... D'où les guirlandes lumineuses que je laisse toute l'année... Ne fais pas cette erreur. Tu es jeune et jolie... Ne ferme pas ton cœur à d'autres personnes et va de l'avant. »

Après ce discours et une courte conversation, j'ai pris mes affaires pour repartir. Méditant sur tout ça.

Réveillon de Noël, 2017.
Assise dans un coin, enfilant mon... oh je sais plus, j'ai arrêté de compter le nombre de verre de vodka, j'observais mon père danser avec sa nouvelle femme: Nora. Oui, il m'avait fallu plusieurs années pour comprendre que dans son histoire, l'homme en question était mon père. Et j'avais enfin remarqué les regards que mon père avait pour elle. Je m'en voulais d'avoir été aussi aveugle aussi longtemps. C'est donc tout naturel que l'année précédente, j'avais comme décision de les confronter une bonne fois pour toute. Cependant, ce n'était pas prévu qu'ils se marient ce réveillon de 2017... A vrai dire, cela s'était décidé à la dernière minute. Pourquoi? Car de base, c'était mon mariage. Que s'était-il passé? Mon fiancé s'était tiré, une semaine avant le jour J, me larguant par texto. J'avais pratiquement tout fini... Le mariage de mes rêves... Plein de blanc, des décorations de Noël dans une grande salle louée à North Pole. Je voulais me marier chez moi, dans ce décor si authentique de la ville. Cette ambiance de fête.

Autant vous dire que le jour même de cette nouvelle, tous étaient au courant... J'étais la, dans le café, mon père essayant de me parler maladroitement. Mais j'avais une fierté et un égo plus que présent. Aussi, et car tout cela avait coûté très cher et que le trois quarts n'était pas remboursable, j'avais convaincue mon père de se lancer avec Nora.

Et voilà, comment j'ai assisté au mariage de mes parents. Mes sentiments étaient partagés entre joie, humiliation, tristesse, colère. Il était hors de question de s'esquiver, pas quand deux personnes aussi chères partageaient un moment de joie.

Le plus insupportable était les regards compatissants ou/et de pitié des autres. Je priais Dieu pour qu'il me sorte de là. « Je crois que se faire larguer et assister à son propre mariage, sans être la mariée, ça bat le fait de pisser dans son froque jusqu'à treize ans, non? » Et, comme un sauveur, Sammy apparu. Finalement, la soirée pouvait être sauvée.

Novembre 2021.
La clé tourne dans la serrure, la porte s'ouvre me laissant sentir l'odeur du café fraîchement moulue. J'allume la lumière car il fait encore sombre dehors, Zora passant entre mes jambes pour rentrer s'installer dans un panier installé un peu plus loin. Cela fait maintenant trois semaines que j'ouvre chaque jour ce café, l'entreprise de mon père. Désormais la mienne.. Et pour être honnête, je ne sais pas quoi en faire… Garder le café ou le vendre? Ce café était devenu, au fil des années, le bébé de mon père et une adresse incontournable de la ville. Il avait une attention pour chaque habitant, connaissait par coeur les goûts de chacun. La première fois que vous rentriez ici, il pouvait vous dire votre café préféré et si vous disiez non, il vous le forçait à goûter et cela devenait effectivement, votre breuvage préféré.

Le ventre noué, j'observe la pièce, retenant des larmes de tristesse. Il est mort quelques semaines plus tôt. J'avais, sans même réfléchir, démissionné de mon travail à New York et j'avais sauté dans le premier avion pour venir. La veillée, l'enterrement, le testament, tout avait été éprouvant. Par chance, j'ai toujours Nora, devenue officiellement ma belle-mère. Je loge chez elle temporairement, le temps de récupérer l'ancienne maison où nous vivions avec mon père. Celle-ci étant louée à un couple temporairement. Je suis un peu perdue, dans les nuages, mais à l'approche des fêtes, je fais bonne figure pour les clients. Après tout, l'affaire doit tourner, je m'occuperais de la décision plus tard. Ce café est un repère pour beaucoup de gens et travailler m'aide à avancer, même si l'établissement regorge de souvenirs.